
Histoire
Naissance du design
Le design est la création d’un projet en vue de la réalisation et de la production d’un objet (produit, espace, service) ou d’un système, qui se situe à la croisée de l’art, de la technique et de la société. Le design est une activité de création souvent à vocation industrielle ou commerciale, pouvant s’orienter vers les milieux sociaux, politiques, scientifiques et environnementaux. Le but premier du design est d’inventer, d’améliorer ou de faciliter l’usage ou le processus d’un élément ayant à interagir avec un produit ou un service matériel ou virtuel. Un des rôles du design est de répondre à des besoins, de résoudre des problèmes, de proposer des solutions nouvelles ou d’explorer des possibilités pour améliorer la qualité de vie des êtres humains, que ce soit dans les sociétés industrielles occidentales (où le design est né) ou dans les pays en voie de développement (design humanitaire). La pluridisciplinarité est au cœur du travail du designer, dont la culture se nourrit aussi bien des arts, des techniques, des sciences humaines ou des sciences de la nature.
Dans les années 1870
Le design est à distinguer des arts décoratifs, expression apparue dans les années 1870 comme pendant aux beaux-arts dans la création d'objets d'art. Le design est lié à l'innovation technique, à la production en série, et à l'esthétique contemporaine, tandis que les arts décoratifs relèvent de l'artisanat d'art, c'est-à-dire de techniques traditionnelles, à l'esthétique souvent ornementale et figurative et d'une production à l'unité ou en petite série. Cependant, les frontières ne sont pas étanches : un réverbère parisien en fonte du xixe siècle relève du même processus que le design car même s'il présente des ornements, il est issu d'une technique innovante pour l'époque et il est produit en nombre ; de même, certains designers signent des pièces en petite série, pour le marché de l'art notamment, surtout depuis les années soixante-dix. Sollicité par le marketing depuis les années 2000, le design est peu à peu devenu un argument publicitaire. Design est devenu, à tort, un adjectif qualifiant un style aux formes simples et d'une apparence épurée. Il succède ainsi à l'aspect traditionnel des modèles de style.
La création artistique
Dans sa part artistique, il repose sur un travail des formes qui rappelle celui de la création artistique et qui peut concerner aussi bien des formes spatiales (design d’espace, architecture intérieure), volumiques (design de produits, design industriel), textiles (design de mode, stylisme), graphiques (design graphique, graphisme) ou interactives (design interactif, design d’interaction, design numérique). Ce travail sur les formes explique l’importance des considérations esthétiques dans le champ du design, mais ne doit pas masquer l’importance tout aussi grande des considérations fonctionnelles, techniques, environnementales, biologiques, juridiques, économiques, sociales et politiques, voire philosophiques, qui sont au cœur du travail du designer, considéré comme l’un des grands métiers de la conception, avec ceux de l’architecte ou de l’ingénieur.
Une origine anglaise
L'étymologie du mot provient de l'anglais « design », que l'on emploie depuis la période classique. Il vient de l'ancien français « designer »1, lui-même dérivé latin designare, « marquer d’un signe, dessiner, indiquer », formé à partir de la préposition de et du nom signum, « marque, signe, empreinte »2. En anglais, to design signifie donc à la fois dessiner et concevoir en fonction d’un plan, d’une intention, d’un dessein.
Plus généralement, le mot « design » implique intention, un projet, un plan ; en deuxième lieu à une transmission d'une information technique par le dessin ; et finalement à la réalisation d'un produit artisanal ou industriel. La langue anglaise emprunte le premier sens au terme français de « dessein ». Au xvie siècle, le terme moyen français desseign a pour sens l’intention ou le projet. Concevoir sera donc en même temps avoir l’intention de faire quelque chose. Le dictionnaire anglais Robert Cawdrey’s Alphabetic Table of Hard Words (1604) décline même un nouveau terme à partir de desseign qui est deseignment, « thing shall be done » (la chose doit se faire, s’accomplir). À partir du xviie siècle, le mot français s’installe bien dans toutes les définitions du terme anglais de « design ». Dorénavant, design sera l’équivalent de plan, de représentations ou d’une esquisse, d’une tâche à accomplir.
En 1712, Shaftesbury introduit dans la théorie anglaise de l'art4 le concept de design fidèle au sens de disegno. Ainsi, nous avons drawing pour le dessin en tant que tracé et design signifiant l'idée et sa représentation, le projet et son graphisme.
Le sens du mot « design » tel qu'on le connaît aujourd'hui en français (un projet dessiné) a été popularisé par Henry Cole en 1849 dans le premier numéro duJournal of Design and Manufactures.
Les aventures de la traduction en français.
Étant un mot de la langue anglaise, bien qu'étant d'origine franco-latine, le mot design ne se prononce pas comme il s'écrit mais à la manière anglaise (« disaïne »). Longtemps considéré comme un anglicisme, il ne s'est imposé que tardivement dans la langue française. Un équivalent français peut, si le contexte le permet, être trouvé dans le mot « concevoir ».
À la Renaissance, le disegno italien est l'un des concepts majeurs de la théorie de l'art. Il signifie à la fois dessin et projet. Au xviie siècle en France, les théoriciens de l'art le traduisent par dessein et conservent le double sens (l'idée et sa représentation). Tout comme en anglais et en italien, il trouve son origine dans le latin designare, qui a permis également de former en français le verbe « desseigner », d'où sont issus les verbes « désigner » et « dessiner ». Néanmoins, ce double sens de dessein va se disjoindre rapidement pour suivre les théories de l'art dominantes de l'époque. Car c'est en 1750 en France que la distinction apparaît pour donner deux champs sémantiques distincts, celui du dessin (la pratique) et du dessein (l'idée) marquant une rupture fondamentale qui n'est pas sans rappeler la dualité matière/esprit de Descartes. À l'Académie royale de peinture et de sculpture, on enseigne désormais les arts du dessin et non plus du dessein.
Ainsi vidé de son sens de représentation, le mot dessein n'a jamais pu traduire le mot design qui, lui, a conservé les deux notions. À la fin du xviiie siècle, le design était appelé en français « art industriel » puis « arts appliqués »5. Dans l'après-guerre, un équivalent est trouvé à industrial design popularisé par Raymond Loewy et le design américain : « esthétique industrielle »6. On doit cette tentative à Jacques Viénot, qui peut être considéré comme le pionnier de la discipline en France. Suivront plusieurs tentatives de même sorte, comme « Création industrielle » dans les années quatre-vingt (en témoigne encore l'École nationale supérieure de création industrielle créée à cette époque), celle de la loi Toubon de 1994 qui proposait de remplacer le terme design par « stylique »7 ou, en 2010, l’initiative de l’INSEE visant à supprimer le terme design de sa nomenclature afin de le traduire par « concept ».
Le terme design finit par s'imposer au tournant du troisième millénaire9 à la fois sous l'influence de la domination de la langue anglaise et parce qu'il est considéré comme le plus légitime par les grandes associations professionnelles du secteur, comme l'Association pour la promotion de la création industrielle [archive] (APCI), l’Alliance française des designers (AFD) ou Designers interactifs. Le ministère de l'Éducation nationale l’utilise désormais dans les dénominations officielles des diplômes de la filière arts appliqués.